Coordinateur du projet
Monsieur Xavier Bonnet (Centre d’études biologiques de Chizé)

Les transitions-retour vers la vie aquatique ont façonné de nombreux organismes et fortement impacté les écosystèmes marins fossiles et actuels. Toutefois, les processus évolutifs impliqués sont difficiles à étudier car des étapes-clés manquent dans les lignées actuelles. Les serpents, objet de ce projet, font exception. Tous les intermédiaires existent et un seul mode de déplacement par ondulations est efficace sur terre et dans l’eau. Notre hypothèse centrale est que l’adaptation à la vie aquatique a modifié la cinétique des ondulations pour optimiser la nage en minimisant les forces de résistance tout en maximisant celles de propulsion. L’efficacité énergétique de la nage devrait donc être plus grande chez les espèces aquatiques. Cependant, mesurer simultanément les performances de la nage, la cinématique ondulatoire et la dépense énergétique est techniquement difficile, notamment de façon non-invasive. En outre, l’effort physique peut être partiellement découplé de la consommation en oxygène chez les serpents, ce qui rend les techniques classiques (e.g. respirométrie) imprécises. Une option consiste à mesurer le coefficient de traînée d’un animal qui nage : les structures vorticales produites à chaque intervalle de temps peuvent être utilisées pour quantifier précisément l’efficacité de la nage. Mécanique des fluides et modélisation numérique seront mobilisées pour traiter ce problème complexe qui implique des structures déformables. Mais ce projet s’appuie aussi sur la robotique. Des serpents- robots bio-inspirés seront construits pour tester expérimentalement les relations entre cinématique, dépense énergétique et trainées hydrodynamiques.

Ce projet multidisciplinaire comporte 5 volets (WP).

WP1 : l’optoélectronique et la cinématique par rayons-X en 3D seront utilisées pour analyser la cinématique ondulatoire (fréquence et amplitude) de la nage de serpents en laboratoire. Les trainées seront mesurées grâce à la vélocimétrie par images de particules. Une gamme d’espèces terrestres, amphibies et aquatiques sera testée.

WP2 : les données obtenues seront utilisés pour paramétrer les robots afin de tester l’impact de cinématiques sur les forces propulsives et de résistance.

WP3 : la surface de la peau de différents serpents sera examinée en microscopie électronique, micro-tomographie, et profilométrie-stéréo sur gel. Des reconstructions 3D des surfaces cutanées placées dans un courant contrôlé d’eau permettront d’examiner les propriétés tribologiques.

WP4 : les données obtenues apporteront les bases pour les simulations numériques de l’efficacité énergétique des déplacements. Le but est de développer un modèle prédictif qui intègre la taille et la forme du corps, la surface cutanée, la cinématique ondulatoire, et l’efficacité énergétique de tout serpent (ou robot) qui nage. Enfin, nous prévoyons d’extraire automatiquement les paramètres cinématiques clés de vidéos de serpents nageant, puis d’en dériver le coût du transport associé à chaque ondulation.

WP5 : avec le modèle prédictif nous estimerons l’efficacité énergétique de la nage sur un grand nombre d’espèces de serpents filmées dans la nature. La collection de cinématiques, riche et unique, représentative de la diversité des serpents (>3.700 espèces) permettra de prendre en compte le contexte phylogénétique.

Des facteurs importants comme la taille, le mode de chasse, le statut reproducteur ou le sexe seront analysés. Les grandes bases de données fourniront les paramètres pour optimiser la conception des prototypes de robots.  Les codes numériques développés et les bases de données seront déposés auprès de l’INPI. Au-delà des objectifs fondamentaux en biologie évolutive, ce projet basé sur des techniques performantes et des serpents vivants pour comprendre l’efficacité hydrodynamique de la nage ondulatoire offre une opportunité pour que des laboratoires français participent à la compétition internationale de production de robots-serpents.